Portrait

Michel Danthinne, apiculteur passionné

19.09.2025

Le long de la vallée de la Vesdre, entre le plateau des Hautes Fagnes et la ville de Liège, Michel Danthinne vit au rythme des abeilles. Entre butinage frénétique, reines caractérielles et frelons envahissants, l’apiculteur a récolté cette année jusqu’à deux tonnes de miel.
Par Caroline Beauvois

On les entend avant de les voir. Le portail s’ouvre doucement. Plusieurs ruches de couleurs émergent, alignées en bordure de champ, à quelques minutes de Verviers.

Ici, au Rucher du Chanteloup, Michel Danthinne a trouvé plus qu’un lieu de travail. « Cest mon coin pour m’échapper. Même si ce nest pas toujours de tout repos », lâche-t-il en riant, en gardant un œil sur une abeille un peu trop insistante. « Celle-là, elle nest pas sympa. Elle va finir par me piquer… Je dois faire attention, je suis allergique. »

Le mois d’août touche à sa fin. « Cette année, on a eu un très beau printemps ! En général, la saison commence mi-avril, dès que le pissenlit fleurit. Et elle se termine courant juillet. » Les greniers, ces caisses que l’on place au-dessus des ruches pour récolter le surplus, ont déjà été retirés. « Maintenant, on les soigne pour lhiver. » Car l’été touche doucement à sa fin, qu’on le veuille ou non. « À partir du 21 juin, les journées diminuent. Nous, on ne sen rend pas bien compte. Mais elles, les abeilles, elles le sentent. Cest déjà la fin pour elles. »

D’où vient le goût du miel ?

« Le nectar, cest 80-90 % dhumidité. Les abeilles doivent le ventiler et y ajouter des enzymes. Cest ça qui fait quon a du vrai miel, unique, que seule labeille peut fabriquer”, explique l’apiculteur.

Mais d’où vient le goût si particulier du miel ? Eh bien, tout dépend de ce que les abeilles trouvent autour d’elles. « Elles butinent dans un rayon de 2 à 3 kilomètres. Cest déjà pas mal ! » sourit Michel. Et dans ce périmètre, la nature décide : un peu de pissenlit, de l’aubépine, quelques arbres fruitiers… Résultat ? En Belgique, le miel est presque toujours “toutes fleurs”, explique-t-il.

Et puis, parfois, la météo joue en faveur des apiculteurs : « Cette année, on a eu une super récolte dacacia. Les abeilles adorent ça. Quand ça fleurit, il faut foncer : poser des greniers vides et récolter vite. En une semaine, cest plié. » Ce type de miel, plus rare, est ensuite analysé au Centre Apicole de Recherche et dInformation (CARI), à Louvain-la-Neuve, pour confirmer son origine. Cette année, notre miel dacacia participera en autre au concours des miels dici et dailleurs du CARI. On y a déjà décroché quelques médailles. Ce nest pas la priorité, mais cest toujours sympa”, sourit le Verviétois.

Chaque saison a son rythme. Printemps : pissenlit, saule, aubépine. Été : trèfle, bourdaine, tilleul. « Le miel de printemps est très apprécié… mais on n’en a qu’une année sur trois. Il fait souvent trop froid. Les abeilles doivent maintenir 37°C dans la ruche pour garder le couvain en vie, alors elles mangent ce qu’elles récoltent. » Alors quand la météo est de la partie, c’est jackpot : une récolte de printemps, une d’été, et parfois une monoflorale en bonus. Encore faut-il suivre la cadence… et les abeilles n’attendent pas. “C’est du boulot!”

 

Apiculteur, ça ne s’improvise pas.

Soudain, une abeille se cogne contre le blouson blanc de l’apiculteur. Michel s’interrompt, soupire. « Celle-là, elle me casse les pieds. Jai eu quelques ruches atroces cette année… » Il parle des colonies plus agressives, parfois incontrôlables. « Quand tu ouvres une ruche et que tas 15-20 abeilles qui te sautent dessus direct, cest pas normal. Et le venin attire les autres. Cest vite la mêlée. » Pour limiter ce genre de situation, il mise sur l’élevage de reines Buckfast, une souche réputée plus douce. « Lidée, cest dadoucir le cheptel. Mais comme les reines se font féconder naturellement, à plusieurs kilomètres, on ne contrôle pas tout. Des fois, ça donne une bonne mixture… des fois pas du tout. »

Depuis quelques années, Michel voit fleurir les ruches un peu partout. « Beaucoup de gens veulent des abeilles. Mais ils ne sen occupent pas toujours bien. » Il pointe du doigt un phénomène préoccupant. « ll y a cette idée fausse que certaines races, comme labeille noire, seraient plus faciles’. On fait croire que labeille noire se débrouille toute seule. Mais cest faux. Une ruche, ça sentretient. Sinon, cest la porte ouverte aux maladies. » Comme la loque européenne, une maladie du couvain, qu’il faut déclarer obligatoirement à l’AFSCA. « Le problème, cest que souvent, ce sont les apiculteurs sérieux qui la détectent… alors quelle vient parfois dune ruche dun kilomètre plus bas, laissée à labandon. »

Une formation, c’est indispensable

Pour éviter ça, Michel insiste : il faut se former. « C’est comme dans tout : sur Internet, on lit tout et son contraire. La Fédération royale provinciale liégeoise dApiculture propose des formations, tout comme L’Institut Provincial d’Enseignement Agronomique (IPEA) de La Reid. Il faut se renseigner dans sa région. Mais la formation, cest essentiel. Même moi, 15 ans après m’être lancé, japprends toujours.”

Cet univers si complexe la toujours intrigué. Jai toujours voulu être apiculteur. Quand j’étais enfant, jallais à Adinkerque au Meli Park à la Côte-Belge avec ma grand-mère, c’était un parc dattraction sur le thème des abeilles. J’étais fasciné par ces ruches vitrées où il y avait des abeilles. On samusait à chercher la reine. Cette organisation ma toujours intrigué. » Le temps a passé, la passion est restée en sourdine, jusqu’au moment où il a décidé de franchir le pas. « En 2009, jai suivi des cours. Puis jai récupéré mon premier essaim, et je suis devenu apiculteur. » À l’époque, Michel travaillait encore dans une entreprise pharmaceutique. La vie l’a ensuite poussé à se reconvertir. « À la base, j’étais boulanger-pâtissier. Alors, rapidement, jai commencé à faire des confiseries au miel. »

Du rucher à l’atelier gourmand

Aujourd’hui, l’activité est multiple. En plus du miel, Michel produit du nougat, des bières au miel en collaboration avec la brasserie Gré d’Orge à Hombourg, et même un peu d’hydromel. « Cette année, on va essayer den développer plus. On a eu de belles récoltes. On essaie dinnover. Il y a beaucoup de concurrence. Depuis le Covid, tout le monde vend du miel. Il faut trouver sa place. »

Il propose aussi des parrainages dentreprise : « Des boîtes sponsorisent une ou deux ruches sur leur site, je men occupe. Le miel revient à lentreprise, parfois en cadeau client, parfois pour le personnel. » Et quand c’est possible, il forme aussi sur place. « On a un petit groupe de 4-5 personnes qui suivent depuis plusieurs années. Cest super valorisant de transmettre. » Et vraiment nécessaire de se diversifier, dit-il. « C’est mon activité à temps plein. J’ai une cinquantaine de ruches. Une mauvaise année, c’est compliqué mais il faut faire avec, trouver des solutions et être résilient. Il faut clairement être passionné pour faire ce métier. » 

2000 fleurs par jours.

Quelques chiffres

« Une abeille butineuse visite environ 2.000 fleurs par jour. On estime quil faut un million de fleurs pour faire un kilo de miel. »

Une colonie peut atteindre 60.000 à 80.000 abeilles en été, mais leur durée de vie est courte. « Une quarantaine de jours. Vingt jours dans la ruche, puis vingt jours dehors comme butineuse. »

Quant à la reine, elle peut pondre jusqu’à 2.000 œufs par jour, l’équivalent de son propre poids.

Le miel wallon IGP

Saviez-vous que la Wallonie avait son propre miel labellisé au niveau européen ? Depuis le 12 février 2025, le Miel wallon bénéficie de lIGP (Indication Géographique Protégée). Produit exclusivement en Wallonie, il existe en version toutes fleurs ou monoflorale – colza, tilleul, pissenlit, fruitiers, ronces… – et se caractérise par une texture fine, homogène et surtout tartinable. Une garantie d’origine, de traçabilité et de qualité. Une réponse aussi à la prolifération des contrefaçons sur les étals.

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