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« Bean to Bar », de la fève à la tablette !

04.06.2025

Parmi les tendances gourmandes qui marquent la scène gastronomique, le mouvement Bean to Bar, comprenez « de la fève à la tablette » ! Plus qu’un simple label, c’est une philosophie : maîtriser chaque étape de la fabrication, depuis la sélection des fèves jusqu’au produit fini, tout en prônant l’éthique, la traçabilité et le goût du chocolat.
Par Caroline Beauvois

Saviez-vous qu’en Belgique, terre de chocolat par excellence, chaque maison fabriquait jadis son propre chocolat, avec une recette et un goût bien à elle ?

Puis les camions-citernes de chocolat de couverture prêt à l’emploi ont peu à peu uniformisé les pratiques. Mais depuis quelques années, une poignée de maîtres chocolatiers passionnés comme Pierre Marcolini, Jean-Philippe Darcis, Benoît Nihant, Pierre Plas, Frédéric Blondeel… ou encore Didier Smeets – pour n’en citer que quelques-uns du royaume – redonnent ses lettres de noblesse à ce savoir-faire qui s’était perdu : la fabrication de A à Z du chocolat artisanal, avec le mouvement « Bean To Bar ».

Le Bean to Bar, c’est un retour à l’essentiel.

De la couverture à la fève

« On doit être une quinzaine en Belgique à s’inscrire dans ce mouvement sérieusement. Cest peu, mais ça grandit », témoigne Didier Smeets. Installé à Dalhem, en province de Liège, Didier Smeets fait partie de ces pionniers. Comme beaucoup de ses confrères, il a d’abord travaillé avec du chocolat de couverture, ce produit déjà transformé, prêt à être moulé, fourni par les géants de l’industrie. Mais une série de voyages va tout changer.

En République dominicaine, puis au Pérou, il découvre l’envers du décor si amère de la fabrication de ce produit pourtant si doux : pauvreté des planteurs, travail infantile, utilisation d’OGM, déforestation massive… « Jai vu des situations choquantes. Je me suis alors demandé : comment sortir de ce cycle ? », confie-t-il. Ce sera par le Bean to Bar.

Il commence par importer du chocolat éthique, notamment d’une petite plantation familiale au Vietnam. Avec cette matière première, il crée la praline “Vietnam” qui décroche l’argent aux International Chocolate Awards de Londres en 2017. Quinze jours plus tard, il s’envole pour rencontrer ces producteurs devenus depuis amis, et apprendre à transformer lui-même les fèves. Car c’est ça, le Bean to Bar : un retour à l’essentiel.

Colombie, Pérou, Vietnam… les visites de plantations de cacao sont aujourd’hui fréquentes. « Des ‘cacao tripsépuisants mais essentiels », où les nuits courtes s’enchaînent pour maximiser leur temps sur place. L’éthique et le goût guide la sélection. « Les certificats bio ne sont pas obligatoires pour moi – ceux-ci sont souvent trop coûteux pour les petites exploitations et plutôt réservés à des structures plus grosses, qui ne sont pas nécessairement plus vertueuses… »

Renaissance d’un savoir-faire oublié

Alors, du chocolat artisanal en Belgique ? Ça n’a rien de nouveau en soi, mais ce savoir-faire s’est perdu ces dernières décennies, raconte ce féru d’histoire.

« Avant, toutes les chocolateries produisaient autrefois leur propre chocolat. C’était hyper identitaire. Chaque maison avait sa recette, son goût. » Ce savoir-faire – qui avait un coût certain – a peu à peu disparu avec l’arrivée de géants comme Callebaut, dont les camions citernes de chocolat prêt à l’emploi ont peu à peu conquis – et conquièrent toujours – la majorité des ateliers, explique-t-il. « Beaucoup de chocolateries artisanales se contentent aujourdhui de fondre ce chocolat industriel. »

Loin d’une concurrence féroce, les chocolatiers Bean to Bar belges partagent astuces, fournisseurs, voire commandes groupées. « Avec Jean-Philippe Darcis et Pierre Plas, on a déjà acheté des fèves ensemble pour réduire les coûts de transport. Cest un petit réseau où lentraide est naturelle. » Et de citer Nico Regout, à la tête du Cercle du Cacao, membre et vice-présidente de l’Académie Française du chocolat et de la Confiserie, spécialiste du sourcing de fèves d’exception.

Un des plus grands défis aujourd’hui à son sens ?

« Beaucoup de clients ne comprennent pas la nuance entre un chocolat artisanal et un chocolat Bean To Bar. Ils comparent des prix sans comprendre que fabriquer son chocolat de A à Z, avec des matières premières éthiques, coûte plus cher. » D’où l’idée d’un musée au sein de son établissement – en cours d’aménagement – où le public pourra découvrir les machines, le processus, la fève brute… jusqu’à la tablette.

De la fève à la tablette : les coulisses d’une fabrication

Mais comment fabrique-t-on du chocolat exactement ?

Tout commence à la réception des sacs de fèves, triées à la main pour éliminer les impuretés. Suit la torréfaction, lente et précise, qui développe les arômes. « Cest un peu comme une cuisson basse température. On travaille en moyenne à 135 °C pendant une demi-heure. Cela varie en fonction de l’origines des fèves. »

Après la torréfaction, place au vannage : une étape cruciale qui consiste à séparer la fève de sa fine pellicule, souvent chargée de résidus de fermentation. « Si on ne lenlève pas, ça donne un goût très désagréable, trop acide. » Cette opération se fait par broyage léger puis aspiration.

Les fèves sont ensuite réduites en grué, broyées dans de grandes meules en pierre de granit pendant environ 24 heures. « Le chocolat devient liquide à ce stade, cest ce quon appelle la liqueur de cacao. Cest très amer et acide au départ. »

C’est là qu’intervient le conchage, une étape longue où la pâte est brassée, aérée, et chauffée pour arrondir les arômes, éliminer les acides volatiles, et obtenir une texture lisse. « On y ajoute le sucre, et cest reparti pour 24 heures. » 

Le processus peut inclure une phase d’aération supplémentaire, dans une machine dédiée, pour affiner encore le goût. « Cest un peu notre cascade à chocolat, comme chez Willy Wonka », sourit-il.

Vous l’aurez compris, rien n’est standardisé. C’est là toute la force — et la complexité — du Bean to Bar. Un chocolat unique qui ne se contente pas de fondre dans la bouche, mais qui murmure tout un voyage.

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