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Redonner vie à la laine belge : : du sous-produit au matériau d’avenir

22.10.2025

Longtemps reléguée au rang de sous-produit, la laine de mouton en Belgique pourrait connaître un nouvel élan. De la production à la transformation, plusieurs acteurs s’organisent pour redonner une valeur à cette matière, autrefois centrale dans l’économie wallonne. Mais le chemin reste long.
Par Caroline Beauvois

En Belgique, la laine cherche encore sa place. Chaque année en Wallonie, environ 250 tonnes de laine sont produites. Pourtant, plus de la moitié n’est toujours pas valorisée. Une partie est stockée, une autre est jetée ou compostée. Peu de producteurs parviennent à la vendre. Étonnant, n’est-ce pas, quand on sait que la laine est une ressource locale aux multiples usages, de l’isolation au textile ?

D’autant plus qu’il fut un temps, pas si lointain, où la laine était au cœur de notre économie. Verviers, jadis fleuron de l’industrie lainière, en est l’illustration. On y importait de la laine de qualité (souvent d’Australie ou de Nouvelle-Zélande), lavée et transformée localement. « Jusqu’à la Seconde Guerre mondiale, les moutons étaient élevés principalement pour leur laine. La viande n’était quun complément », rappelle Pauline Gillet, cheffe de projet au sein de l’ASBL Valbiom, qui travaille à mieux structurer la filière laine. Les choses changent à partir des années 1950, avec l’apparition de fibres synthétiques comme le polyester ou le nylon. Ces matériaux, plus faciles à produire et à entretenir, vont rapidement remplacer la laine dans l’industrie textile. En parallèle, la qualité de la laine locale – « relativement mal filée, tricotée et mal lavée » – accentue le désintérêt. « On considérait que ça grattait. Et surtout, c’était long et coûteux à transformer. » La conséquence : une lente agonie des ateliers lainiers et une laine belge tombée dans l’oubli.

« La laine reste un coproduit. »

Une production en hausse, mais peu utilisée

Depuis quelques années, le cheptel ovin est en augmentation dans notre région. Il est passé de 70.000 têtes en 2016 à environ 100.000 têtes aujourd’hui, stimulé notamment par l’octroi de primes agricoles pour l’élevage de moutons, explique notre experte. Mais cette progression ne s’accompagne pas d’un regain d’intérêt pour la laine, pour autant. « La laine reste un coproduit. Elle est produite parce quon a des moutons, mais ce nest pas la raison pour laquelle on les élève. »

Autrefois exportée vers la Chine, la laine belge se retrouve aujourd’hui sans débouché extérieur depuis la fermeture des frontières chinoises aux déchets (catégorie dans laquelle la laine est juridiquement assimilée selon la réglementation européenne).

25% !

C’est la part de la production annuelle de laine (50 tonnes) qui a pu être valorisée localement en 2024. Le chemin est long !

De l’isolant au textile : quelles valorisations ?

Pourtant, malgré cette désaffection, la laine possède de nombreuses qualités. « Elle est thermorégulatricenaturellement isolantecapte lhumidité et absorbe certains composés organiques volatils présents dans les bâtiments. »

Plusieurs entreprises se sont spécialisées ces dernières années dans la valorisation de la laine : certaines la transforment en isolant pour le bâtiment, d’autres en couettes ou encore en matelas.

Ces usages permettent une réutilisation locale de la matière, même si les volumes restent limités. En 2024, 50 tonnes de laine ont été collectées dans le cadre de campagnes organisées par Valbiom. « Cela représente environ 25 % de la production annuelle. Cest mieux quavant, mais cela reste partiel », commente Pauline Gillet.

La laine peut donc être utilisée dans des domaines très variés : textile, literie, rembourrage, feutre agricole, ou même cosmétique (extraction de kératine). Mais tous ces usages ne nécessitent pas la même qualité de laine. La finesse, mesurée en microns, est un critère clé en industrie textile. Or, peu de laines wallonnes sont caractérisées à ce jour. « Pour linstant, on ne sait pas dire précisément quelles qualités on a en Wallonie. On ne peut pas orienter la laine vers les bons débouchés si on ne connaît pas ses caractéristiques », explique la cheffe de projet.

C’est pourquoi Valbiom souhaite lancer un projet de caractérisation à grande échelle, afin de cartographier les qualités des laines produites. L’objectif est de fournir des données précises aux industriels potentiellement intéressés par des approvisionnements locaux.

À côté de l’industrie, des projets plus artisanaux se développent. Le plus emblématique est celui de Laine Fleurie, de Natagora, qui trie la laine issue de pâturages naturels et la transforme en fil de qualité, vestes et châles, vendus aux particuliers. Le reste de la toison est redirigé vers d’autres usages (isolant, rembourrage).

« Sans une demande plus soutenue [des citoyens], la laine belge restera une richesse sous-exploitée. »

Vers une structuration de la filière ?

Sur environ 5.000 éleveurs recensés, la majorité possède moins de dix moutons – principalement des particuliers. Seuls quelques acteurs sont professionnels, avec des troupeaux dépassant les 1.000 têtes, explique notre experte. Parmi les races les plus présentes : l’Île-de-France, très viandeuse, le Texel, ou encore des races rustiques comme le Rouge de l’Ardenne, utilisées notamment pour l’entretien d’espaces naturels. Or, ces dernières produisent une laine plus grossière, difficilement utilisable en textile, mais adaptée à d’autres usages.

La tonte annuelle, indispensable au bien-être de l’animal, est un autre point de tension. Les tondeurs professionnels sont peu nombreux, et leurs interventions coûtent cher pour les petits détenteurs. « À partir de 150 têtes, la vente de la laine peut compenser le coût de tonte. En dessous, ce nest pas rentable. » Valbiom organise des formations pour les éleveurs et prévoit de former des tondeurs professionnels dès 2025.

« Le potentiel est là, les usages aussi. Ce qui manque encore, cest la chaîne qui relie l’éleveur au produit fini. »  Eleveurs, artisans et distributeurs ont été réunis autour d’un comité. Objectif : rebâtir une filière complète et réduire la dépendance aux importations. La balle est désormais également dans le camp des citoyens : sans une demande plus soutenue, la laine belge restera une richesse sous-exploitée.

« Le potentiel est là, les usages aussi. Ce qui manque encore, c’est la chaîne qui relie l’éleveur au produit fini. »

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